Sélection prénatale

(Articles 19,20,21)

Le diagnostic prénatal (DPN) s’est intensifié depuis 30 ans. S’il a heureusement permis un meilleur suivi des grossesses pour accompagner la mère et l’enfant à naître, notamment par sa prise en charge précoce, parfois in utero et plus souvent à la naissance, il est régulièrement assorti de propositions d’interruption médicale de grossesse (IMG, plus de 7000 annuellement) en cas d’affection d’une particulière gravité. L’IMG peut intervenir légalement jusqu’à la veille de la naissance.

Législation actuelle et mesures proposées 

Beaucoup s’alarment d’une nouvelle forme d’eugénisme en France, qui stigmatise particulièrement les personnes porteuses de trisomie : 96% des diagnostics de trisomie conduisent à une IMG. L’autorisation récente de nouveaux tests génétiques, dits non invasifs (DPNI), qui permettent par une simple prise de sang de la mère d’analyser le code génétique du fœtus, interroge sur de nouvelles pratiques qui peuvent conduire à un accroissement de la sélection prénatale.

Loi actuelle et projet de loi
EXTENSION DES DIAGNOSTICS

Loi actuelle (2011)

Le diagnostic préimplantatoire (DPI) n’est autorisé qu’à titre exceptionnel si un médecin atteste que le couple, du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. Le diagnostic ne peut avoir d’autre objet que de rechercher cette affection ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter.

Et à titre dérogatoire, le DPI peut être autorisé si le couple a donné naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique non héréditaire entraînant la mort dès les premières années de la vie et reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

Projet de loi 2019

Article 19
Les recommandations de bonnes pratiques relatives au diagnostic préimplantatoire seront révisables régulièrement par arrêté, pris par le ministre de la santé, sur proposition de l’Agence de la biomédecine.

Commission spéciale

Après débat sur l’eugénisme, un amendement « rédactionnel » (comme s’il y avait eu erreur) du rapporteur (n° 2257) a été adopté pour remplacer le diagnostic préimplantatoire (DPI) par le diagnostic prénatal. Ce qui change la nature et la portée de cette disposition. Ce n’est plus le DPI mais le DPN qui est délégué à l’administration.

DIAGNOSTIC PRENATAL

Loi actuelle (2011)

Le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales, y compris l’échographie obstétricale et fœtale, ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité. Toute femme enceinte reçoit, lors d’une consultation médicale, une information loyale, claire et adaptée à sa situation, sur la possibilité de recourir, à sa demande, à des examens de biologie médicale et d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse.

Projet de loi 2019

Article 19

Les caractéristiques génétiques fœtales sans relation certaine avec l’indication initiale ayant justifié un examen médical pourront être transmis à la femme enceinte.

Commission spéciale

Lorsqu’est diagnostiquée une anomalie génétique du fœtus pouvant être responsable d’une affection grave justifiant de mesures de prévention, y compris de conseil génétique ou de soins, les deux membres du couple (ou la femme seule) peuvent autoriser le médecin prescripteur à saisir le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation afin qu’il procède à l’information du tiers donneur.
(Mise en cohérence avec l’Article 9 qui prévoit de pouvoir autoriser le médecin du tiers donneur atteint d’une anomalie génétique grave à informer les enfants issus de don.)
Un nouvel article 19 bis prévoit qu’un état des lieux du diagnostic prénatal et du diagnostic préimplantatoire est effectué par l’Agence de la biomédecine avant le réexamen de loi de bioéthique.

DELAIS DE REFLEXION

Loi actuelle (2011)

IMG : Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse.

Projet de loi 2019

Article 20

Suppression de la possibilité de proposer une semaine de réflexion aux couples dans le cadre de l’IMG.

CONSENTEMENT DES PARENTS

Projet de loi 2019

Article 21

Suppression du consentement des parents pour l’accès à l’IMG des mineures.

Conséquences
  • Abandon des femmes, notamment des mineures, et des couples à l’effet de panique, quand ils sont confrontés à l’annonce d’une suspicion de handicap. Supprimer la proposition d’un délai de réflexion d’une semaine pour avoir recours à une IMG, et ne plus exiger le consentement des parents pour les mineures, conduit à banaliser davantage un acte qui a de lourdes conséquences humaines et psychologiques, au détriment des alternatives que constituent l’accueil et la prise en charge des nouveau-nés malades ou handicapés et de leurs familles.
  • Pression accrue sur les couples. Le renforcement du contrôle des caractéristiques génétiques du fœtus contribue à rendre un grand nombre de grossesses anxiogènes, comme si le code génétique constituait une fiche d’identité déterminant entièrement une personne. Sauf quand cela permet une prise en charge médicale précoce, banaliser le contrôle génétique encourage le fantasme du bébé zéro défaut. La société est dissuadée d’accueillir les personnes fragiles et vulnérables mais aussi de chercher de véritables thérapies pour les soigner.
  • Eugénisme contre consentement à la vulnérabilité. Avec la possibilité de modifier, au fil des nouvelles découvertes en génétique, les pratiques du diagnostic prénatal, on s’oriente vers une intensification du passage au crible prénatal. Nos mentalités et notre société risquent de se fermer de plus en plus à l’accueil de la vulnérabilité, qui est aussi le consentement au réel.
  • Dérégulation des tests génétiques. La technologie permet de trier les embryons in vitro avec des procédés de plus en plus poussés (séquençage de l’ADN…). Pour lutter contre les tentations d’eugénisme inhérentes à cette pratique, le législateur a limité celle-ci à des maladies génétiques héréditaires dites « graves ».

Laisser la responsabilité de réviser les critères du DPI à des instances biomédicales hors contrôle du législateur, comme cela a été prévu dans la loi initiale, aurait risqué de multiplier les indications de recours au DPI sans limites stables. Face aux dénonciations des risques d’eugénisme, cette disposition a été supprimée par la commission spéciale, pour garder la pratique du DPI dans un cadre plus strict. Toutefois, la délégation à des autorités administratives sans contrôle du législateur de la révision des critères du DPN ne résout pas la question de l’eugénisme anténatal dont la France détient le record du monde.