Procréation assistée

(Articles 1,2,3,4)

Quatre changements sont projetés : l’abandon du critère de l’infertilité pour l’accès à l’Assistance médicale à la procréation (AMP), le double don de gamètes, la levée de l’anonymat du don de gamètes, et, plus généralement, un bouleversement des règles de la filiation.

Législation actuelle et mesures proposées 

En raison d’importantes controverses éthiques, le législateur a autorisé les techniques d’assistance médicale à la procréation (insémination et fécondation in vitro y compris avec tiers donneur) en posant un cadre qui se voulait strict, aligné sur les principes de la procréation naturelle : la PMA est réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme, vivants, en âge de procréer et confrontés à une infertilité médicalement constatée. Cependant, ces techniques ne soignent pas l’infertilité mais en sont un palliatif. Elles induisent des ruptures dans le processus de procréation et impliquent par ailleurs, pour les FIV une surproduction d’embryons humains, et, en cas de recours à un tiers donneur, l’amputation pour les enfants d’une part de leurs origines.

loi actuelle et projet de loi

LE CADRE DE LA PMA

Loi actuelle (2011)

L’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation réservé aux couples homme-femme, vivants, en âge de procréer. Le caractère pathologique de l’infertilité doit être médicalement diagnostiqué. L’AMP est également autorisée pour éviter la transmission d’une maladie d’une particulière gravité.

Projet de loi 2019

Article 1

Abandon du critère de l’infertilité pour le recours aux techniques d’assistance à la procréation. Tout couple formé d’un homme et d’une femme, de deux femmes, ou toute femme non mariée, a accès à l’AMP. Le médecin doit procéder à une évaluation médicale et psychologique des personnes.

Commission spéciale

Suppression de l’évaluation psychologique des candidats à l’AMP. Par ailleurs, l’évaluation médicale ne peut conduire à débouter des candidats en raison de
leur orientation sexuelle, de leur statut marital ou de leur identité de genre.

REMBOURSEMENT

Loi actuelle (2011)

La prise en charge par la Sécurité sociale à 100% ne concerne que les couples homme-femme, dont le caractère pathologique de l’infertilité est médicalement diagnostiqué.

Projet de loi 2019

Article 1

Prise en charge de l’AMP par l’Assurance Maladie, y compris pour des personnes ne souffrant pas d’infertilité médicale (femmes sans partenaire masculin).

AUTOCONSERVATION DES GAMETES

Loi actuelle (2011)

Autoconservation des gamètes possible uniquement pour raisons médicales (pour préserver la fertilité en cas de traitements ou de pathologie grave). Possibilité d’autoconserver une partie de ses gamètes pour les donneurs uniquement.

Projet de loi 2019

Article 2
Ouverture de l’autoconservation des gamètes (masculins et féminins) sans nécessité médicale. Les frais de traitements (stimulation hormonale) et de recueil des gamètes (ponction ovocytaire, recueil de sperme) sont pris en charge par l’Assurance Maladie à 100%. Les frais de conservation (banques de gamètes) restent à la charge des demandeurs.

Commission spéciale

Le prélèvement, le recueil et la conservation des gamètes ne sont plus réservés aux établissements publics de santé ; cette pratique est élargie aux établissements privés lucratifs. Le financement de l’autoconservation des gamètes par les employeurs est interdit.

DOUBLE DON DE GAMETES

Loi actuelle (2011)

Double don de gamètes interdit.

Projet de loi 2019

Article 1

Possibilité de recourir au double don de gamètes (spermatozoïdes et ovocytes issus de donneurs) pour concevoir in vitro un embryon.

CONSENTEMENT DU CONJOINT

Loi actuelle (2011)

Le conjoint doit donner son consentement au don de sperme ou d’ovocytes.

Projet de loi 2019

Article 2
Suppression du consentement du conjoint pour le don de gamètes.

LEVEE DE L’ANONYMAT

Loi actuelle (2011)

Le don de gamètes est gratuit et anonyme.

Projet de loi 2019

Article 3
Levée de l’anonymat des donneurs de gamètes : les enfants nés d’insémination ou de FIV avec tiers donneur auront accès à certaines données non identifiantes et médicales et à l’identité de leur géniteur, à leur majorité, sur demande. Obligation pour les donneurs d’accepter de voir leur identité révélée à la majorité des enfants issus de don. Création d’une Commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, placée auprès du ministère de la Santé.

FILIATION

Loi actuelle (2011)

L’AMP étant réservé aux couples homme-femme, l’acte de naissance de l’enfant comporte la mention « mère » pour la femme qui accouche, et « père » pour l’homme ayant participé au parcours d’AMP.

Dans le cas d’une AMP avec tiers donneur, les époux ou concubins doivent donner un consentement préalable devant un notaire pour assurer aux enfants une filiation paternelle et maternelle.

Projet de loi 2019

Article 4
Filiation : création d’une « déclaration anticipée de volonté » pour les couples de femmes, à contracter devant un notaire avant l’insémination par du sperme de tiers donneur, ou l’implantation de l’embryon conçu par fécondation in vitro avec le sperme de tiers donneur.

L’acte de naissance mentionne comme parents « mère et mère » pour les femmes en couple.

Le choix retenu pour les femmes célibataires n’est pas connu.

Commission spéciale

Le gouvernement a amendé son propre texte en modifiant le processus d’acquisition de la filiation pour un couple de femmes : elle se fera par une reconnaissance conjointe anticipée devant notaire avant le recours à l’AMP. L’acte de naissance mentionne comme parents « mère et mère » et la reconnaissance conjointe anticipée des deux femmes.

Conséquences
      • Changement de paradigme pour l’AMP avec l’instauration, à terme, d’un « droit à l’enfant pour tous » : l’AMP devient accessible à tout adulte sans restriction, car il n’y a plus de raison de maintenir le critère d’infertilité médicale pour les couples homme/femme.
      •  Détournement de la médecine de sa mission thérapeutique. Idem pour l’Assurance Maladie, tenue de financer à 100% les frais de recours à cette AMP sans infertilité constatée.
      •  Discrimination pour certains enfants nés de tiers donneurs et de femmes n’ayant pas de partenaire masculin : privés délibérément de père, et de la moitié de leur généalogie, ils sont défavorisés par rapport aux enfants bénéficiant d’un mode de procréation qui leur assure un père et une mère. La parité dans l’engendrement, principe d’écologie humaine, est occultée.

      • Dissolution du sens du mot « mère » (deux femmes sont réputées mères du même enfant, alors qu’une seule a enfanté). Le sens du mot mère est donc troublé et modifié pour tous.

      Le revirement opéré par le gouvernement le jour même de l’examen de la loi en commission spéciale pour créer un nouveau type de filiation par reconnaissance conjointe anticipée bouleverse le rapport de l’enfant à la maternité, la femme qui a accouché (mater semper certa est) n’est plus reconnue automatiquement comme mère.

      • Dévalorisation du père, traité comme annexe ou superflu, réduit à un géniteur fournisseur de gamètes, alors que son rôle est essentiel.
      • Explosion de l’AMP avec tiers donneur de sperme. Alors que cette pratique est aujourd’hui marginale (3% des enfants nés par AMP), elle se généraliserait avec des PMA pour les femmes sans partenaire masculin. La levée de l’anonymat du donneur, en réponse au malaise existentiel d’enfants nés de dons, ne supprime pas l’injustice d’une filiation confuse et éclatée. 

      • Abandon insidieux du principe fondamental de non marchandisation du corps : la pénurie annoncée des gamètes augure une importation massive de sperme acheté à l’étranger, ou une rémunération des donneurs, mesure suggérée par certains gynécologues.

      Le vote, contre l’avis du gouvernement et avec l’appui de députés Modem et LREM, d’un amendement en commission spéciale ouvrant l’exploitation des gamètes par des établissements privés lucratifs livre la procréation au marché en contradiction avec le principe bioéthique français de non marchandisation du corps. L’amendement devrait être supprimé en séance publique.

      • Technicisation accrue de la procréation au détriment de la lutte contre l’infertilité. Le projet de loi consacre une approche de plus en plus artificielle de la procréation, par l’AMP. Ses dispositions font l’impasse sur les recherches pour prévenir l’infertilité ou restaurer la fertilité, qui devrait être prioritaires dans notre pays (1 couple sur 10 étant confronté à l’infertilité).
      • Risque spécifique d’emprise étatique sur le corps des femmes. L’autoconservation ovocytaire proposée aux femmes jeunes, sous contrôle de l’Etat, en vue de procréer plus tard par FIV, ne constitue en rien une garantie de maternité future (3 sur 4 n’auraient pas d’enfants à l’issue de la décongélation de leurs ovocytes). Les pressions pour l’autoconservation ovocytaire contredisent les aspirations des femmes à l’autonomie et à l’écologie, et soumettent leur corps à un nouveau marché.